7 novembre 2008
Francis Chateauraynaud et Jean-Michel Fourniau
Le débat public : un objet pour la sociologie des alertes et des controverses ?
I. Discussion théorique autour de la construction de l’objet
La construction de l’objet en sociologie des alertes et des controverses nécéssite de se référer à quatre champs : la sociologie politique, la sociologie des sciences et des techniques, la sociologie des alertes ainsi que les théories de l’argumentation.
a/ La sociologie politique
Rosanvallon, dans la contre démocratie[1] propose une synthèse de travaux sur la dénomciation. On peut y voir une montée de l’alerte et du risque. Rosanvallon étudie la mise en place des formes d’évaluation de l’Etat et des institutions par des personnes externes. Selon lui, la démocratie contient, dans son concept, sa propre critique. A partir de ce moment, on constate une montée en puissance des mouvements anti-démocratiques. La contre-démocratie a pour but de regrouper tous les mouvements mettant en cause la démocratie.
b/ Sociologie des sciences et des techhniques
Dans son analyse des « Science Studies », Yves Gingras reprend en partie Bloor[2] (Socio-logie de la logique). La sociologie des sciences est intéressante notamment par la présence de discussions techniques présentes dans les dossiers étudiés. Ces sciences donent une légitimité aux acteurs et renvoient la sociologie à son statut de « science molle ». La science en elle-même est pleine de controverses et de conflits. L’étude de ces querelles au sein des sciences constitue les « sciences studies ».
Avec ces deux premiers champs, il serait possible de construire l’objet. Les deux autres champs permettent de spécifier cet objet.
c/ Sociologie des alertes
Les questions qui se posent à propos des alertes concernent l’identité de celui qui lance l’alerte ainsi que les moyens de diffusion de l’alerte. L’alerte a une fonction politique. Dans cette logique d’alerte, on constate que la démocratie se trouve largement réduite (les prises de décision en contexte d’incertitude laissent peu de place à la démocratie).
d/ Les théories de l’argumentation
Pour poser une controverse, il est nécéssaire d’avoir des arguments mais il se trouve un écart entre le fait de lancer une alerte et celui de poser une argumentation. Dans L’empire réthorique[3], Perelman constate que l’on peut utiliser la réthorique à des fins très diverses (en particulier, elle peut servir à discréditer l’autre. Faire un débat public, c’est laisser une place aux arguments sans s’attacher aux personnes (Plantin, L’argumentation).
Pour Habermas, une des seules voies pour sauver la démocratie est de montrer que les individus expérimentent les situations. En partant de là, on trouve deux éléments nécéssaires à l’argumentation : la prétention à l’autenticité ainsi que la nécéssité de justesse des arguments.
Comment un cause chemine t’elle et fait-elle surgir les différents problèmes ?
II. Conceptions de la représentation démocratique
A travers la représentativité des associations (notamment dans le grenelle de l’environnement) et celle des syndicats) on retrouve la question des acteurs qui prennent place dans la démocratie (qui sont-ils ?). Le grenelle de l’environnement pose le concept de « la gouvernance à cinq ». Cette gouvernance à cinq ajoute les syndicats et les associations dans le schéma pré-existant (Etat, Patronat...). Cette conception de la démocratie nous permet de penser la démocratie comme une pluralité (Callon, Lascoumes & Barthes, Agir dans un monde incertain[4]) et fait disparaître ce qui est au cœur de la pratique démocratique : que les gens s’occupent des affaires communes qui ne sont pas les leures personelles et que ces gens aient le titre pour le faire. Il faut avant définir ce que sont les affaires communes et qui est abilité à les gérer au cœur de cette pratique.
L’objet même de la gouvernance à cinq est de représenter la nature. On retrouve une forte valorisation de l’élection dans la recherche de représentativité. Le grenelle à mis au jour une forme de disjonction entre deux sphères : la sphère de la gouvernance et celle de la société civile. L’espace de la participation de trouve disjoint de celui de la prise de décision.
III. En revenir à la pragmata !
Toutes les entitées qui se sont développées vont proliférer dans différentes scènes d’action sans savoir si les acteurs qui les manient y portent une importance particulière. Un certain nombre d’acteurs va se proposer pour devenir « portes paroles ». Rosanvallon[5] pose son problème : partir du système afin de le faire fonctionner. Comment les individus parviennent à organiser des mondes, des univers ? Principalement par le surgissement. Deux éléments sont constitutifs : l’alerte et l’accusation. Ensuite seulement apparaît la controverse. Lancer une alerte peut être un moyen de faire réagir une institution (ou les pouvoirs publiques). On se retrouve dons d’un côté avec une logique d’alerte et de l’autre avec une logique d’accusation. L’alerte renvoie aux risques tandis que l’accusation nécéssite la présence d’une injustice.
A partir de l’alerte, il y aura une discussion afin d’améliorer le système au sein d’un coopération entre les différents acteurs impliqués dans le processus. Tout évènement est susceptible de provoquer une critique radicale.
Le fonctionnement de la sociologie pragmatique est d’étudier jusqu’où peut aller un évènement. On trouve quatre éléments essentiels : les manières dont émergent une cause, les disputes sur les types de preuves et d’arguments mis en avant, la nature des arènes et des scènes d’action et, enfin, la manière dont les portes paroles vont être dotés des « puissances d’expression ».
Bibliographie
- Angenot (Marc). 2008. Dialogue de sourds : traité de rhétorique antilogique. Paris : Mille et une nuits, 450 p.
- Bernardi (Bruno). 2007. Le principe d'obligation : sur une aporie de la modernité politique .Paris : Éd. de l'École des hautes études en sciences sociales, 333 p.
- Bloor (David). 1983. Socio-logie de la logique ou les Limites de l'épistémologie. Paris : Pandore, 190 p.
- Callon (Michel), Lascoumes (Pierre) & Barthe (Yannick). 2001. Agir dans un monde incertain : essai sur la démocratie technique. Paris : Seuil, 357 p.
- Cefaï (Daniel). 2007. Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théories de l'action collective. Paris : La découverte, 727 p.
- Perelman (Chaïm).1977. L'Empire rhétorique : rhétorique et argumentation. Paris : J. Vrin, 196 p.
- Plantin (Christian). 1996. L'argumentation. Paris : Seuil, 96 p.
- Rosanvallon (Pierre). 2006. La contre-démocratie : la politique à l'âge de la défiance. Paris : Seuil, 345 p.
- Rosanvallon (Pierre). 2008. La Légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité. Paris : Seuil, 367 p.
[1] Rosanvallon (Pierre). 2006. La contre-démocratie : la politique à l'âge de la défiance. Paris : Seuil, 345 p.
[2] Bloor (David). 1983. Socio-logie de la logique ou les Limites de l'épistémologie. Paris : Pandore, 190 p.
[3] Perelman (Chaïm).1977. L'Empire rhétorique : rhétorique et argumentation. Paris : J. Vrin, 196 p.
[4] Callon (Michel), Lascoumes (Pierre) & Barthe (Yannick). 2001. Agir dans un monde incertain : essai sur la démocratie technique. Paris : Seuil, 357 p.
[5] Rosanvallon (Pierre). 2008. La Légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité. Paris : Seuil, 367 p.